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Par figoli
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Pêche aux crevettes
à cheval.
Devenue de nos jours, une attraction touristique, la pêche aux crevettes à cheval était surtout un moyen de survie économique pour toute une population côtière jusqu'à la fin du XIX° siècle. Animal de labour, de transport, et de pêche le cheval ou la mule est la richesse essentielle de cette population d'agriculteur, pêcheurs, quelquefois pilleurs d'épaves, vivant tout au long des côtes flamandes.
En voici la petite histoire que nous vous contons en nous appuyant sur un article de Robert Sand publié dans la vie illustrée du 31 Août 1899.
"Pêcheurs à cheval en 1899."
La pêche à la crevette est sur tout le littoral, l'une des principales industries des habitants, et principalement sur les plages de sable où elle est aisée et fructueuse. C'est là une des raisons pour lesquelles elle a pris une telle expansion sur la côte belge, qui approvisionne même dans une large mesure, Paris et les plus grandes villes du Nord.
Cette pêche se pratique généralement de deux manières en bateau et à pied. Dans les deux cas les marins se servent de chaluts, c'est à dire de filets en forme de sac, dont l'ouverture triangulaire est maintenue le long de sa base par une vergue qui racle le fond.
Les bateaux sont de petites dimensions en général, car ils ne s'éloignent guère du rivage. Ils portent simplement un foc, deux petites voiles rectangulaires de brick, parfois un petit tape cul, et halent des chaluts dont la vergue peut avoir jusqu'à cinq mètres de longueur et le filet, une profondeur de sept à huit mètres.
A la marée haute, toute la flottille quitte le port; selon le vent, les barques voguent paisiblement de conserve mollement balancées; ou, disséminées, tirent des bordées tout le long de la côte, les voiles à demi carguées, pour ne pas fatiguer les filets. Le soir leurs falots blancs, plantés à l'avant sur une simple perche, semblent une nuée d'étoiles qui glisseraient lentement sur l'eau.
Douze heures après, l'essaim se reforme et la flottille rentre s'amarrer dans le port.
Les pêcheurs à pied,quant à eux, entièrement vêtus de toile cirée, se servent d'un chalut qu'ils poussent au devant d'eux au moyen d'une perche, et dont ils vident de temps en temps le contenu dans un panier qu'ils portent sur le dos, très haut presque sur les épaules, dépassant la tête.
Mais il existait une autre forme de pêche côtière; la pêche à cheval.
Autrefois, sur tout le littoral, la pêche à cheval se pratiquait de manière courante; de vieilles poteries et quelques rares estampes en font la preuve. En 1899, cette coutume à pratiquement disparu, mais reste très présente à Newport et dans les communes environnantes, Lombartzyde, Oosstduinkerke, Coxyde, La Panne, Westende.
Voici l'histoire de cette pêche.
Les pêcheurs n'étaient pas alors des marins de profession. C'était de simples paysans, mi cultivateurs, mi pirates, par occasion; le pillage des épaves devenait de jour en jour plus difficile et plus dangereux.
Leurs terres trop sablonneuses à cause du voisinage de la mer ne rapportaient guère; ils ne possédaient que quelques petits champs, des animaux de basse cour, une vache dans les rares moment d'aisance, et leur cheval qui servait à la fois aux travaux des champs et à ceux de la pêche.
Ils habitaient, en deçà de la ligne des dunes, à une lieue de la mer, de petites maisonettes enfouies sous les arbres, adossées à un monticule de sable qui les protégeait contre les bourrasques venant du large.
C'est là encore la condition des quelques familles qui ont gardé cette antique tradition de la pêche à cheval.
Leur vie matérielle semble n'avoir guère évolué avec les siècles; ils portent encore ces anciens costumes qui se perdent hélas! Leur intérieur quoique fort simple, a néanmoins gardé ce cachet tout particulier, très caractéristique et presque élégant des vieilles maisons flamandes et hollandaises.
Leur misère -car pour la plupart, ces pêcheurs sont pauvres- conserve une certaine allure.
C'est dans ce cadre, digne de Steen, de Van Ostade ou de Brauwer que vivent les pêcheurs Newportais.
A l'heure de l'étale, ils harnachent leur cheval, lui mettent sur le dos une sorte de bât très épais, garni de paille, lui suspendent aux côtés de grands paniers sur l'un desquels ils placent une petite corbeille à anse, fixent les traits au collier, et placent enfin, en équilibre sur la croupe le filet roulé autour de sa vergue.
Puis juchés au sommet de tout cet appareil, ils prennent, lentement, à pas égal et pesant la route de la mer,
traversant la dune déserte, où paissent quelques troupeaux de vaches, toujours par le même chemin, suivant le lendemain les trace de la veille.
Arrivés sur la grève, ils se réunissent à trois, quatre, cinq ou six déroulent leurs filets qu'ils maintiennent ouverts à l'aide d'un baton planté verticalement sur le milieu de la vergue, et tirent au sort leurs places de pêche; car ils vont pêcher en ligne pour surprendre tout le poisson et celui qui sera le plus avant en mer aura la chance de pêcher les plus grosses crevettes.
Ils partent ensuite, entrant si loin dans l'eau que les chevaux sont souvent forcé de lever la tête pour respirer; au passage de fortes lames les cavaliers eux mêmes sont souvent couverts d'écume. Pendant quatre heures, à la marée descendante, ils vont et viennent, le long de la plage.
Au bout de chaque course, ils remontent sur la grève, vident leurs filets dont le fond n'est fermé que par une coulisse, et reprennent la mer changeant chaque fois entre eux l'ordre de leurs places.
Autrefois, ce devait être un spectacle étrange que de voir, à la marée descendante; le littoral entier parcouru par ces cavaliers-pêcheurs, à la fois paysans et marins, pour lesquels on pourrai ressusciter la vieille épithète homérique, et les appeler les "laboureurs de la mer."
Leurs mœurs aussi devaient être plus rude et par les jours de gros temps ils devaient souvent jeter un coup d’œil vers la haute mer, pour chercher à y découvrir quelque navire désemparé, voguant à la dérive vers la côte."
En 1899 Robert Sand s'inquiète de la survie de ce type de pêche en spécifiant "Espérons le sans trop y croire; c'est un des liens qui nous rattachent au passé; à son tour, il se brisera comme les autres." Il espère que les manifestations ludiques (défilé de pêcheurs, concours de chevaux,...) permettront sinon de perpétuer cette pratique, au moins de conserver cette race de chevaux de pêcheurs;"pesants et vigoureux, au poil un peu long, à l'encolure courte, mais large."
De nos jours, la pêche aux crevettes à cheval existe encore à Oostduinkerke. Certes, c'est une attraction touristique, mais aussi un hommage vivant à la mémoire de ce peuple des dunes et à sa culture.
D'ailleurs grace à la mobilisation de quelques passionnés la pêche à la crevette à cheval est depuis 2013, inscrite au "patrimoine immatériel de l'humanité" par l'UNESCO.
Texte:
Patrick Magnaudeix
Documentation:
Robert Sand "Pêcheurs à cheval"
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