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Phaéton de dame ou phaéton “Napoléon” ? That's the question !

 

Dans les années 2000-2015, beaucoup ont vu et, certainement, admiré dans de nombreux concours d’attelage de tradition un Phaéton attelé à une superbe paire d’élégantissimes chevaux Oldenbourg. Œuvre de Depigny, l’un des plus importants et des plus réputés carrossiers de Lyon, ce phaéton appartenait à un meneur hollandais. En vente en 2019, il est réapparu les 11 et 12 juin 2022 en Italie au concours international d’attelage de tradition qui a eu lieu dans le site prestigieux de Venaria Reale, mené par son nouveau propriétaire, un amateur belge.

Phaéton de dame construit par Depigny à Lyon (Collection privée)

Phaéton de dame construit par Depigny à Lyon (Collection privée)

Phaéton de dame construit par Depigny à Lyon (Collection privée)

Phaéton de dame construit par Depigny à Lyon (Collection privée)

Phaéton de dame construit par Depigny à Lyon (Collection privée)

Phaéton de dame construit par Depigny à Lyon (Collection privée)

 

La mode “verticale”

Sur le plan formel, ce phaéton se caractérise par la verticalité de ses panneaux de caisse. La forme des caisses de voitures, au gré d’une mode perpétuellement changeante, varie tout au long du XIXe siècle, principalement dans la deuxième moitié du siècle. Elle oscille sans cesse entre forme ronde et forme carrée, entre profil droit et profil couché, c’est-à-dire incliné vers l’arrière.

Dans la dernière décennie du XIXe siècle et au début du XXe, la mode est au profil très vertical. Caractéristique formelle majeure du phaéton Depigny, sa verticalité permet de situer sa fabrication dans cette période, c’est-à-dire autour de 1900.

Le goût pour la verticalité apparait au début des années 1890, ou même un peu avant selon Le Guide du Carrossier dans le commentaire de son modèle de Phaéton à flèche n° 262 :« Comme on a pu le constater à l’Exposition de 1889, on commençait à faire les lignes de caisse moins inclinées. Aujourd’hui, elles sont presque verticales » (GdC, n° 220, août 1893).

« Phaéton à flèche n° 262 (3ème série) ».  Le Guide du Carrossier, n° 220, août 1893.

« Phaéton à flèche n° 262 (3ème série) ». Le Guide du Carrossier, n° 220, août 1893.

 

Cette verticalité a pour corollaire une grande hauteur pour les panneaux du siège de meneur. Les modèles de phaétons n° 959 et n° 974 publiés par Le Guide du Carrossier respectivement en 1895 et 1896 illustrent parfaitement ces sièges à panneaux de grande hauteur.

5.	« Phaéton n° 959 exposé à Bordeaux par la maison Dessalles »(Le Guide du Carrossier, n° 233, octobre1895)

5. « Phaéton n° 959 exposé à Bordeaux par la maison Dessalles »(Le Guide du Carrossier, n° 233, octobre1895)

« Phaéton n° 974 » (Le Guide du Carrossier, n° 237, juin 1896)

« Phaéton n° 974 » (Le Guide du Carrossier, n° 237, juin 1896)

 

Cette verticalité peut aller jusqu’ à l’extrême. En témoigne un phaéton exposé par la très réputée maison parisienne Guiet &  Cie en 1895, dont les pieds d’entrée et les panneaux latéraux sont d’une raideur absolue.

« Phaéton n° 962 exposé au Palais de l’Industrie par la maison Guiet & Cie » (Le Guide du Carrossier, n° 234, décembre 1895

« Phaéton n° 962 exposé au Palais de l’Industrie par la maison Guiet & Cie » (Le Guide du Carrossier, n° 234, décembre 1895

 

Cette forme extrêmement verticale est toujours en faveur en 1897 comme en témoigne le commentaire du Guide du carrossier pour son modèle Phaéton n° 307 (3ème série) : « modèle absolument nouveau […] bien dans le goût du jour [avec ses] lignes peu inclinées » (GdC, n° 243, juin 1897)

« Phaéton n° 307 (3ème série) »(Le Guide du Carrossier, n° 243, juin 1897)

« Phaéton n° 307 (3ème série) »(Le Guide du Carrossier, n° 243, juin 1897)

 

Un an plus tard, verticalité et raideur caractérisent encore le modèle de wagonnette n° 1024 publié par le Guide du Carrossier en juin 1898, modèle qui a sans doute inspiré le carrossier lisboète, A. I. Dionisio, pour la réalisation d’un Phaéton-wagonnette conservé dans une collection privée portugaise à Golega.

« Wagonnette n° 1024 » (Le Guide du Carrossier, juin 1898)

« Wagonnette n° 1024 » (Le Guide du Carrossier, juin 1898)

Phaéton-wagonnette construit par A. I. Dionisio à Lisbonne (Portugal, Golega, Collection privée)

Phaéton-wagonnette construit par A. I. Dionisio à Lisbonne (Portugal, Golega, Collection privée)

 

Phaéton « Napoléon » ?

Le phaéton Depigny, objet de cet article, était systématiquement présenté dans les concours d’attelage de tradition par son propriétaire hollandais sous l’appellation « phaéton Napoléon ». Or, cette appellation est totalement inconnue en France. A qui fait-elle référence ? Napoléon 1er ? Napoléon III ?  Quel type de voiture ? Quelle forme, quel décor, quel style ? Cette appellation, absente des sources écrites française, n’est employée qu’aux Pays-Bas. Selon Mario Broekhuis, l’excellent expert néerlandais de l’histoire des véhicules hippomobiles, elle fait référence à Louis Napoléon Bonaparte (1778-1846), frère cadet de l’empereur Napoléon 1er, devenu en 1806 roi du Royaume de Hollande. Selon Mario elle serait «spécifique à ce que nous [les néerlandais] appelons généralement un spider-phaéton. On peut affirmer que le nom est typiquement néerlandais et ne convient donc qu'à une voiture avec une histoire néerlandaise».

 Ainsi, l’appellation « phaéton Napoléon » n’a cours qu’aux Pays-Bas. Elle ne définit aucun type précis de phaéton, ni aucune forme particulière, ni aucune période chronologique : apparue au début du XIXe siècle, selon Mario, comment peut-elle définir des « spider-phaétons » inventés bien plus tard ?

 

Phaéton de dame

Le Phaéton Depigny est en réalité un phaéton de dame. Depuis longtemps les femmes aimaient conduire elles-mêmes leurs attelages. Le témoignage le plus ancien est celui de la Princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV, qui écrit dans une lettre du 24 juin 1718 : « la duchesse de Berry [petite-fille de la Palatine] a les mains fortes comme un homme, elle peut donc très bien conduire elle-même, d’ailleurs c’est la mode depuis longtemps » Au XIXe siècle les phaétons de dame ont été conçus pour ces femmes qui aimaient conduire leur attelage. Ils ne se distinguent des autres phaétons que par l’emplacement de marchepieds disposés très bas de manière à faciliter aux élégantes embarrassées des longues robes de l’époque l’accès au siège d’où elles pourront s’emparer des guides et mener avec adresse de fringants attelages.

« Phaéton de dame n° 377 (3me série) » avec marchepieds devant (Le Guide du Carrossier, n° 278, avril 1903)

« Phaéton de dame n° 377 (3me série) » avec marchepieds devant (Le Guide du Carrossier, n° 278, avril 1903)

« Phaéton de dame n° 575, exposé par M. Henry Binder, de Paris »avec marchepieds entre les roues (Le Guide du Carrossier, octobre 1879)

« Phaéton de dame n° 575, exposé par M. Henry Binder, de Paris »avec marchepieds entre les roues (Le Guide du Carrossier, octobre 1879)

 

Phaéton de dame n° 1073, exposé par la Maison L. Faurax(GdC, n° 264, décembre 1900)

« Bien que ce type de voiture n’ait qu’une clientèle assez restreinte, surtout dans les grandes villes, nous avons jugé bon de le faire connaitre à nos abonnés »

« Phaéton de dame n° 1073, exposé par la Maison L. Faurax »(Le Guide du Carrossier, n° 264, décembre 1900)

« Phaéton de dame n° 1073, exposé par la Maison L. Faurax »(Le Guide du Carrossier, n° 264, décembre 1900)

 

Phaéton de dame n°1164 (GdC, n° 295, février 1907)

« Par ses lignes de caisse, ce modèle de phaéton de dame est du plus pur classique »

« Phaéton de dame n°1164 »(Le Guide du Carrossier, n° 295, février 1907)

« Phaéton de dame n°1164 »(Le Guide du Carrossier, n° 295, février 1907)

 

Ainsi, le phaéton du carrossier lyonnais Depigny est sans conteste un très bel exemple de phaéton de dame réalisé à la fin du XIXe siècle, pour une dame aimant conduire son attelage, comme la célèbre écuyère Rita del Erido photographiée en 1900 par Jean Delton aux guides d’un phaéton comparable au phaéton Depigny.

 

Rita del Erido aux guides d’un phaéton de dame, 1900. ((Photo J. Delton)

Rita del Erido aux guides d’un phaéton de dame, 1900. ((Photo J. Delton)

 

Pour certains meneurs il semble difficile aujourd’hui d’admettre que leur phaéton soit une voiture de dame. Ils préfèrent pour leur voiture une appellation qu’ils croient flatteuse, mais qui est sans aucune signification, à une définition typologiquement exacte. A leur décharge, reconnaissons que la seule présence d’un marchepied judicieusement placé pour permettre à une dame d’accéder facilement au siège d’où elle pourra conduire, suffise pour identifier une voiture. C’est cependant le cas.

 

 

Texte:

Jean Louis Libourel

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P
Super article de blog bravo !
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