Cafouillages and co…
Vous avez retenu deux places pour La nuit du cheval « au salon » à Villepinte.
Vous êtes « montés » à Paris le cœur en bandoulière, et, billets en poche, affrontez gaillardement le RER des vendredis soir.
Vous prenez soin de vérifier que votre rame s’arrête bien à Villepinte.
Pas de problème, c’est affiché.
Pourtant vous arrivez directement à Roissy parce qu’elle ne s’y est pas… arrêtée.
Vous écoutez les gens râler, vous changez de quai en priant pour que, pris d’un mouvement brownien, le train qui se pointe ne vous ramène pas illico à
Paris.
Mais… non, vous arrivez à destination.
Vous débarquez sur l’esplanade lunaire où, telle une soucoupe volante tapie dans l’ombre se devine la cathédrale de verre provisoirement consacrée aux
chevaux.
Il pleut.
Il n’y a personne ou pas beaucoup plus.
Ça vous paraît bizarre…
Il faut dire que vous n’avez pas mis les pieds au salon depuis le temps où la messe se disait à la Porte de Versailles… vous ne connaissez pas les lieux.
Vous êtes paumés.
Vous cherchez le Hall 5 B.
À l’entrée principale, un vigile vous reçoit comme un chien dans un jeu de quilles.
Il est vrai qu’à cette heure, le salon ferme ses portes.
Vous êtes à contre-courant et on entend distinctement planer le mépris réservé à ces pauvres provinciaux.
On vous envoie à gauche, mais à gauche, vous ne trouvez que des portes cadenassées et quelques autres êtres hagards qui, tels que vous, errent
lamentablement.
Un technicien de surface travaillant l’immobilité sur un balai fatigué, consulté, en désespoir de cause, vous suggère d’aller plutôt sur la droite… un mot, surtout,
surnage de son sabir, c’est le mot « navette », auquel vous vous accrochez aussitôt, et vous revoilà sous la pluie.
Pas d’hôtesses affriolantes, pas de pancartes, aucune explication, rien.
Et surtout pas d’accès au Hall 5 B.
Demerdenziziche…
Vous marchez donc encore sous la pluie, attirés par la lumière blafarde d’un vieux bus.
Renseignement pris auprès du conducteur, il s’agit d’un autre Hall 5 B… le bon, celui-là, celui du spectacle.
Vous reprenez espoir, il y va.
On va vous y mener.
Une fois sur place, ce n’est pas gagné car la carrière où va se dérouler la liturgie n’est pas indiquée.
Heureusement un marchand de sandwiches vous oriente au mieux et vous arrivez enfin derrière « votre » tribune.
Personne pour vous placer.
Ah bon.
Cela aussi, sans doute, n’existe plus.
Vous trouvez donc votre travée, ce n’est pas le plus difficile, et votre place qui est… occupée.
Ça s’arrange, cependant, car les envahisseurs se sont seulement trompés de travée.
Bref…
Vous avez, sans le vouloir, réussi à arriver dans les temps.
Le spectacle peut commencer.
Emotion à fleur de peau quand les chevaux de Frédéric Pignon, semant une poussière d’étoiles dans leur sillage, emplissent la lumière des projecteurs de magie, de
douceur, et de poésie. Merci, merci, merci.
Ce qui rend cette soirée inoubliable, pourtant, est ailleurs…
Quand arrive le tour d’honneur des artistes vous prenez la tangente pour ne pas vous trouver englués dans « la sortie ».
Bien vous en prend, compte tenu qu’un unique bus de navette attend là.
Le chauffeur vous explique que, « malheureusement », bien qu’il ne soit que 23 heures 30, le RER ne fonctionne plus que et que d’ailleurs les grilles de la station
sont fermées…
Vous vous exclamez :
- Mais comment ?
Ce à quoi avec une condescendance offusquée il répond :
- Mais vous n’écoutez donc pas ce que je vous dis ?
Courbant le dos, alors, et sans mot dire ( maudire ? ), vous subissez son courroux en vous félicitant de faire partie des happy fews que cet unique bus va conduire
aux grilles fermées, songeant aussi que les milliers de personnes qui vont sortir du hall après vous vont peut-être faire une révolution…
Allez savoir ?
Il pleut toujours.
À la sortie du bus, vous constatez que les grilles de RER sont effectivement fermées.
Vous ne savez pas pourquoi, Villepinte, la nuit, sous la pluie, sans un taxi en vue, loin de la capitale et de votre lit, vous fait soudain penser à Victor Hugo : «
Waterloo, morne plaine… »
Bon…
Un groupe qui semble connaître les lieux s’engouffre en courant dans un labyrinthe qui passe, entre autres, sous les voies…
En désespoir de cause, vous embrayez à sa suite et vous retrouvez à enjamber tant mal que bien des tourniquets, des clôtures, tout comme des voyous de
banlieue.
Vous arrivez sur un quai sans savoir si c’est le bon… ni même s’il y passera un train.
Il en passe un !
Et vogue ma galère, vous montez dedans.
Et c’est le bon !
Vous arrivez à destination sans comprendre comment vous avez pris, ensuite, le métro sans ticket…
L’aventure se termine là.
Contrairement à ce que vous aviez imaginé, vous venez simplement de vivre un jour de chance.
Julie Wasselin
Figoli vous propose de revivre la partie la plus calme, mais non moins exaltante, de l'aventure de Julie: le spectacle.