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Par figoli
Elle m’a dit quelque chose, hier, ma jument…
Elle a vingt-quatre ans à présent, ma princesse, la somptueuse Franches-Montagnes que m’a donné la vie. On lui en donnerait douze, à peine.
Elle vieillit en beauté, à la retraite dans un pré où l’herbe opulente ondule sous le vent même à la mauvaise saison, avec un véritable abri et des chevaux de compagnie, chez une amie dont l’amour des chevaux et de la belle équitation ne sont pas à remettre en question.
Elle coule des jours paisibles et c’est bien ça l’essentiel, même si je ne la vois pas souvent. Ce paradis est loin de chez moi, je ne lui rends donc visite qu’une fois par mois, mais c’est à chaque fois la fête, avec une pagaille de carottes et de croutons rassis. La charmante est un goinfre… elle s’en met jusqu’aux yeux.
La dernière fois que je l’ai vue, pourtant, c’était il y a un mois, je l’ai trouvée abattue et sans intérêt pour ce que je lui apportais.Elle n’est même pas venue me saluer.Un ciel fâché roulait des nuages métalliques sur les labours, le sol était lourd ; au chaud sous sa couverture, elle était restée dans l’abri. Soucieuse, j’avais parlé de dentiste et de vermifuges.
Puis j’ai reçu des nouvelles qui ne se voulaient sans doute pas trop alarmantes.Effectivement, Falone avait eu un coup de blues. Comme un soleil printanier persistait, on lui avait ôté la couverture imperméable qu’elle avait sur le dos depuis le début de l’hiver et découvert qu’elle avait « un peu » maigri ; elle avait cependant retrouvé sa vivacité et mangeait de bon appétit les compléments qu’on lui apportait.
Je ne m’affolai pas. J’attendais de voir.
J’ai vu…
C’est incroyable, mais, sous la couverture, personne n’avait rien remarqué. Hélas, moi non plus.Hier, le cheval que j’ai vu venir joyeusement vers moi avait la tête de Falone mais le corps décharné d’un animal au bout du rouleau !
Un cauchemar… une vieillarde avec un visage de jeune fille Pour un peu, je ne l’aurais pas reconnue.
Le vermifuge avait fait son office, les grains donnés en surplus par mon amie étaient dévorés avec enthousiasme, l’herbe à nouveau fauchée à grands coups d’incisives, le moral visiblement retrouvé, mais… la fonte musculaire avait séché la jument en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire et, de la voir ainsi, j’en avais le cœur ravagé. Mon ciel avait perdu une étoile et plus jamais n’aurait le même éclat.
Une molaire déchaussée avait-elle provoqué une infection ? Le dentiste le dirait bientôt. Ou bien, nous faisait-elle un Cushing ? Les chevaux âgés n’en sont pas toujours épargnés. En ce cas, un traitement à vie pourrait la sauver dans d’acceptables conditions.
Alors…
Alors elle est venue blottir longuement sa tête entre mes bras, et m’a dit quelque chose comme :
- Je t’aime…
ou bien encore :
- Emmène-moi…
il se peut aussi qu’elle ait dit :
- Peut-être qu’on ne se reverra pas…
Nous allons nous battre, Falone !
Ce goût de vivre que tu m’as offert si longtemps, tu le retrouveras toi aussi.
Texte
Julie Wasselin
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