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Coche de Philippe II: Original et maquette

 

 

Coche attribué à Philippe II d'Espagne:

 

 

 Original et maquette 

 

 

 

Dans l'article "José Brito: un maquettiste hors norme" nous vous avions annoncé la parution d'articles spécifiques à chacune de ses maquettes. Ces présentations détaillées nous permettront, également, de revenir sur l'origine et l'histoire du véhicule reproduit.

Nous commençons cette série par la maquette du coche de Philippe II que José Brito a mis plus de deux ans à réaliser. Ce type de voiture, nommé coche, est très peu connu du grand public. Cette situation s'explique par:

- la rareté du nombre de voitures conservées; six modèles complets plus quelques caisses.

- le  peu de publications de vulgarisation réalisées sur cette voiture.

Il nous semble donc intéressant de faire précéder la presentation de la superbe maquette de José par une brève synthèse sur l'histoire des coches et tout particulièrement sur celui attribué à Philippe II d'Espagne. 

 

 

Histoire des coches:

 

Origine

Le terme coche est apparu assez tardivement, au XVI° et XVII° siècle, pour désigner une voiture munie d'une flèche reliant l'essieu avant à l'essieu arrière et à la caisse suspendue par des chaînes ou des lanières de cuir.

Cette terminologie prend ses origines en Hongrie où le terme "Kocsi" désigne, au XV° siècle, un chariot léger non suspendu, aux roues avant plus petites que les roues arrières. A la fin du XV° siècle, vers 1490, est construit, également en Hongrie, une voiture de ce type à la caisse suspendue, nommée "hinto szeker" en référence à son balancement. Dans le langage courant de cette époque, la dénomination "Kocsi" va alors rapidement s'appliquer indistinctement aux deux types de véhicules. 

Par la suite, cette voiture suspendue fut introduite en Italie, au XVI° siècle, par le cardinal Hippolyte d'Este, sous le terme de "carro do coccia". Puis, son utilisation s'étendit à l'ensemble de l'Europe sous la terminologie de "coche". 

  L'existence de voitures suspendues est pourtant plus ancienne et on en retrouve d'ailleurs des notifications à l'époque romaine. A la période médiévale, des documents décrivant des cérémonies officielles (obsèques,cortèges royaux ou seigneuriaux entrant dans des villes,...), font état de la présence de voitures suspendues; "char branlant" du duc de Berry, en 1374, ou de la duchesse d'Orléans, en 1396, "chariots branlants" accompagnant la reine Isabeau de Bavières lors de son entrée à Paris en 1405, ...

Les coches du XVI° et XVII°, plus légers et progressivement plus confortables que leurs prédécesseurs, vont, au cours des années et des évolutions techniques, se décliner en différents modèles.

 

 

 

Typologie des voitures suspendues.

 

Chariot à bâche bombée.

 La plus ancienne caisse connue est conservée au Musée Joanneum à Graz, en Autriche. Cette caisse provient du chariot construit, en 1445-1452, pour le mariage de l'infante portugaise Eléonore et de l'empereur Frédéric. Elle fut également réutilisée lors du couronnement à Rome.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Ce type de caisse rectangulaire à bâche bombée, somptueusement décorée, est caractéristique des voitures de cérémonie de cette époque et semble avoir été utilisée dans l'ensemble de l'Europe et dans l'empire Ottoman. Le manque de points de fixation de liens semble indiquer que celle-ci n'aurait cependant pas été suspendue mais posée directement sur les essieux.

Ils existe cependant des iconographies et vestiges montrant que ce type de caisse était également suspendue. Ainsi deux autres modèles de caisse, possédant encore leurs chaînes. sont conservées en Italie à la villa di Gargagnano.

Il s'agit de deux caisses datant de 1550 environ. Vous trouverez plus d'information sur ces deux dernières voitures dans l'article "les caisses de Verone" qui reprend une étude italienne de 1906.

 

Caisses ayant appartenues aux familles Valdarano, et  Serego Alighieri
Caisses ayant appartenues aux familles Valdarano, et  Serego Alighieri

Caisses ayant appartenues aux familles Valdarano, et  Serego Alighieri

 

Des chariots suspendus à bâche bombée, moins somptueux, continuèrent a être utilisés comme moyen de transport ordinaire tout au long des XVI° et XVII° siècle.

 

 

Coche à caisse rectangulaire et à baldaquin.

 

Au XVI° siècle, une nouvelle forme de caisse va progressivement faire son apparition. Elle est rectangulaire, sensiblement plus étroite et droite, surmontée par une bâche en forme de Baldaquin. Deux modèles de cette facture sont conservés au Musée de Cobourg:

- coche fabriqué à Brunswick pour le mariage, en 1561, du duc Guillaume le Jeune et de la princesse Dorothée du Danemark.

Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

- coche construit à Dresde pour le mariage, en 1586, de Jean-Casimir de Saxe-Cobourg-Gotha avec la princesse Anne de Saxe.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Ces deux voitures nous permettent d'observer "les essieux avant et arrière, séparés par la perche, et la caisse, suspendue par des courroies en cuir à partir de deux montants qui se dressent sur les essieux mais qui sont soutenus à l'avant et à l'arrière. Il semble que ce soit  l'aspect essentiel de la technologie du coche."

-Julian Munby-

Au début du XVII°, ces caisses évoluent vers une forme trapézoïdale. Cependant, ce type de voiture sera encore construit dans la première moitié du XVII°, comme nous pouvons le constater avec cette étonnante voiture dite "Coche d'or", construite à Rome, en 1638, par Jan Antonin Eggenberg. Elle est conservée au Musée de Cesny Krumlov, en Tchécoslovaquie. 

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Coche à caisse trapézoïdale.

 

Autour de 1600, apparaît, dans toute l'Europe, un véhicule à caisse trapézoïdale surmonté d'un baldaquin et doté d'un "coffre sur les côtés". Ces coches à baldaquin se généralisent dans toute l'Europe du XVII° siècle.

 

Vue du port de Messine par John William Boher  en 1836  ( Gouache sur velin exposée à Paris au musée du Louvre)

Vue du port de Messine par John William Boher en 1836 ( Gouache sur velin exposée à Paris au musée du Louvre)

 

Trois exemplaires de ce type sont encore conservés.

 

-"Le coche de Moscou" conservé au Kremlin, à Moscou.

Il semble que cette voiture aurait été envoyée, en 1604, par la reine Elisabeth d'Angleterre pour accompagner une ambassade de la Muscovy Company londonienne afin d'obtenir un monopole commercial.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Voilà sa description par Julian Munby:

 

"Le coche a une caisse trapézoïdale, une bâche pavillon et un coffre sur le côté; toute la voiture est richement décorée. Il est orné de sculptures élaborées qui représentent des scènes historiques et de panneaux peints illustrant des scènes de chasse"

 

 

Un autre exemplaire de ce type, plus tardif car postérieur à 1620 (sans qu'on ait une date exacte de sa construction), appartenant au duc Ernst le pieux de Saxe Gotha (1601-1675), est conservé au Musée de Cobourg.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Le dernier, conservé au Musée des carrosses de Lisbonne, a servi de modèle à José Brito pour sa maquette.

 

 

Le coche attribué à Philippe II

 

Moins somptueuse que le coche de Moscou, cette voiture de voyage aurait été utilisée par Philippe II d'Espagne pour son entrée à Lisbonne, en 1619. Voici un tableau plus tardif, représentant la Place du palais à Lisbonne parcourue par divers coches.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Ce coche, photographié et filmé ici lors de sa restauration, est conservé au Musée des carrosses de Lisbonne.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Nous allons vous la décrire plus précisemment et nous en profiterons pour confronter l'original à la maquette de José Brito.

 

 

Confrontation de la maquette à l'original

 

Ces quelques images précédentes, montrant en détail chaque élément de la voiture, vous ont permis de cerner les difficultés rencontrées par José Brito pour reproduire cette voiture dans une maquette au 1/10. Il a su les surmonter et nous offre un travail magnifique. La maquette se dissocie du modèle essentiellement sur les tissus dont les précieuses broderies étaient impossible à reproduire (coussins et coffres latéraux).

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Revenons à la description comparée de cette voiture, résultat d'un travail espagnol de la fin du XVI°. 

Les essieux du train sont reliés par une seule flèche passant sous la caisse. Elle est reliée au train avant par une cheville ouvrière permettant au coche de tourner. L'angle est cependant limité par la flèche dépourvue de passage de roue.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Contrairement aux coches présentées dans le tableau de la Place du palais de Lisbonne, cette voiture n'est pas menée par un cocher mais est conduite en poste; un coffre recouvert de cuir clouté remplace le siège du cocher.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

La suspension est assurée par quatre sangles de cuir, reliés respectivement aux quatre anneaux positionnés aux coins de la caisse.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

La caisse est entourée d'une "main courante" métallique, supportée par des tiges de fixation ouvragées. Sur chaque côté, le haut de l'habitacle peut être fermé par des vitres fixées par des brides. Cette disposition est assez rare dans les coches de cette époque qui sont habituellement fermés par des rideaux.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Sur chaque côté également, une ouverture en forme de coffre, faisant office de marche, permet d'accéder à l'intérieur. Ce "coffre" se ferme par un rideau fixé sur une traverse amovible.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Le dome, qui surmonte la caisse, est en cuir, à l'extérieur. A l'intérieur, le plafond est entièrement recouvert d'un surprenant travail en bois doré, doté d'un fleuron central.

 

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Dernier détail, cette voiture de voyage possède toutes les commodités.

Voitures ayant appartenus aux familles Valdarano, et  Serego Alighieri.
Voitures ayant appartenus aux familles Valdarano, et  Serego Alighieri.

Voitures ayant appartenus aux familles Valdarano, et  Serego Alighieri.

 

Cette confrontation entre le modèle et sa maquette a permis, je l'espère, de vous faire apprécier la qualité du travail de José Brito. 

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Ce type de coche présente un certain nombre de limites, tout particulièrement en ce qui concerne la maniabilité et le confort des voyageurs. Ces difficultés seront résolues par le développement, au XVII° siècle, d'un nouveau véhicule ; le carrosse.

Sa flèche, dotée d'un col de cygne formé de deux arcs en acier, facilite le passage de roues plus petites améliorant ainsi grandement la prise des virages. Les cloisons de caisse sont fixes et dotées de vitres. En voici un exemple avec ce carrosse de fabrication française, datant de la seconde moitié du XVII° et ayant appartenu à la reine Marie Françoise de Savoie.

Coche de Philippe II:  Original et maquette
Coche de Philippe II:  Original et maquette

 

Vous découvrirez ce carrosse et sa maquette dans un prochain article.

Texte:

Patrick Magnaudeix

Documentation:

Silvana Bessone "Le Musée national des carrosses de Lisbonne"

Elisabeth Cocczian Szentpeter " L'évolution du coche ou l'histoire d'une invention hongroise" dans "Voitures chevaux et attelages" direction Daniel Roche

Julian Munby "Les origines du coche" dans "Voitures chevaux et attelage" , direction Daniel Roche.

Laszlo Tarr "Chars charrettes et chariots"

...

Photos:

José Brito, Jean Louis Libourel, Musée des carrosses de Lisbonne, Musée Cesny, Patrick Magnaudeix, Courtoisie.

Entrée de l'ambassadeur Lord Montaigu à Lisbonne

Entrée de l'ambassadeur Lord Montaigu à Lisbonne

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D
Comme d'habitude merci à l'auteur pour cet article et vives félicitations à Monsieur BRITO pour les maquettes magnifiquement exécutées. Yves Dauger
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J
Un travail impressionnant, la recherche, l'étude et la planification, bref un travail scientifique de grande valeur et un intérêt historique détenu par M. Patrick Magnaudeix, mes félicitations pour ce travail magnifique, merci Jose.
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