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Commentaires sur l'utilisation
des voitures; datés de 1865
Nous vous proposons des extraits d'un pétillant article de la "Vie parisienne" de 1865. Cette publication pose un regard critique sur les modes du moment; celles qui, pour le journaliste, sont appréciées comme de bon goût... et les autres!
Ce texte s'appuie sur des dessins représentant chaque type de voiture en vogue. Il donne des informations sur les voitures et les règles à respecter dans leur utilisation. L'imprécision des esquisses, loin d'entraver la compréhension, permet à l'auteur d'approfondir ou de commenter un certain nombre de pratiques, attitudes,... qu'il lui semble érronnées.
Pour vous permette d'apprécier toutes les finesses et l'esprit de ce document, je vous propose une brève présentation de la spécificité de "La vie parisienne".
Sous le Second empire, Paris devient une référence en matière de vie culturelle, de mode et de soirées festives. La "bonne société" s'enorgueillit de cette place éminente de Paris et n'admet pas que quelque regard critique soit porté sur ses modes et agissements.
Pourtant, en 1863, Emile Marcellin Isidore Planat dit "Marcellin", profitant d'une relative liberté d'expression, édite un magazine intitulé la "Vie parisienne". Cette publication vise le couple bourgeois en quête de loisirs de la dernière mode; bals, théâtre, ... et qui s'amuse des caricatures et se lasse des compte rendus corsetés des journaux de l'époque.
La citation suivante de Jules Barbey, en 1865, souligne l'originalité de son contenu en plein milieu du Second empire.
"Mais enfin, si ce n'est pas exactement toute la vie parisienne que ce journal, c'en est une partie. C'en est la mousse, le pétillement, la surface, les petits vices (viciolets), les élégances, et les élégances jusqu'aux extravagances, tout cela très animé d'esprit, très cinglant d'ironie, très indifférent (et même trop) à la morale et j'allais presque dire à la littérature; car les hommes de talent qui font ce journal ont le dandysme de ne pas se montrer littéraire."
C'est donc ce journal de mode, à l'esprit provocateur pour son époque, qui publie, en 1865, une étude sur les voitures. En voici les extraits qui nous ont semblé être des plus pertinents pour les collectionneurs et amateurs d'attelage de tradition.
"Etudes des voitures"
Nous allons commencer par les conseils généraux donnés pour l'acquisition d'une voiture.
"Conseils généraux sur le choix des voitures"
"Regardez tous les dessins que vous offrira le carrossier, cela ouvre les idées mais ne les suivez pas; ce sont des élucubrations de sportsmen en chambre. Les lignes courbes sont les seules pour les voitures sérieuses; les lignes droites et les panneaux carrés pour les voitures d'homme, les courbes brisées pour les voitures de fantaisie: briskas, poney-chaises, landaus, etc.
Pour les voitures de femmes, choisissez les caisses en forme coquille, bien renversées; pour les calèches à huit ressorts la forme bateau. Pour les voitures d'hommes si les caisses sont carrées que les gardes crottes suivent la ligne des caisses. Comme couleurs, toujours des couleurs franches et foncées avec des rechampis très clairs pour donner la légèreté au train; adoptez une fois pour toutes une couleur et que toutes les voitures soient de même. Pour les voitures de campagne ou de fantaisie seules les caisses en canne ou en rotin sont de bon goût. Surtout évitez autant que possible les voitures à deux fins, les sièges mobiles et les capotes qui s'enlèvent et... méfiez-vous des cuivres."
Ce paragraphe a, pour les collectionneurs ou meneurs de tradition, le mérite de souligner que les formes et couleurs présentées par les dessins des constructeurs doivent être examinées avec circonspection. Dans la restauration ou rénovation d'une voiture, (quand cela est possible) d'autres critères doivent être pris en compte comme;
- les informations se référant aux goûts de l'acheteur ou à ceux de sa classe sociale.
-les différences de matières utilisées tant pour la construction que pour le garnissage, selon l'utilisation du véhicule; représentation, fantaisie, sport, service...
-la mode et le "bon goût" à l'honneur à l'époque de sa construction ou de sa dernière remise au "goût du jour".
...
Cela nous rappelle que la qualité d'une rénovation ou restauration dépend, avant tout, de l'indispensable et préalable travail de recherche.
"Exemples de voitures"
"La calèche de gala"
"Huit ressorts, lanternes à couronnes, grande livrée. Une faute ici, il me semble : je ne comprends pas un siège à housse et un cocher en lampion pour une calèche. Comme gala, je n'admets que la berline a six glaces et à quatre lanternes ou le grand coupé de ville."
"La Demi-Daumont"
"La voiture la plus élégante quand elle est bien comprise, forme coquille et à huit ressorts. Je préfère, de beaucoup, le jockey habillé à l'anglaise, une veste légère, rayée, et un chapeau gris. La demi-daumont n'étant qu'une voiture d'été et de bois, la veste de drap ou de velours et la toque galonnée de la livrée française sont beaucoup trop lourdes. Quand, surtout à la veste, on ajoute les épaulettes d'or (et on en voit comme cela) je me demande toujours ce que l'on vend là-dedans. Pour la daumont à quatre passe encore, mais pour la demi-daumont restons coquets le plus possible."
"Le duc"
"La véritable voiture pour une dame qui aime à conduire. Sur le petit siège derrière et assis, un page de quatorze ans en veste ronde, à trois rangs de petits boutons ronds dorés et un pantalon de la même couleur que la veste avec un liseré le long de la couture. Pour cette voiture, il faut un cheval très léger et très élégant; presque de haute école. Une femme doit éprouver en le menant le même plaisir que si elle le montait, et elle peut y déployer autant de grâce et d'intrépidité. Pour bien mener un cheval un peu impressionable, attelé aussi long et conduit aussi bas, il faut une main bien légère. Cela devient de l'équitation. Une femme habile conduira toujours mieux un duc qu'un homme"
"Le dog-cart":
"La seule voiture légère pour quatre chevaux et autant de chiens. Sur les côtés, des crémaillères pour tenir les fusils. Avec un trotteur américain, harnaché en bricole, mené en filet à double anneaux, on fait ses vingt kilomètres à l'heure.
Peut s'atteler aussi en tandem"
"Le poney-chaise":
"Voiture de campagne; Madame conduit Monsieur; un petit page est assis sur le petit siège en fausse portée. Le poney vient en droite ligne des îles Shetland; la crinière et la queue d'un yak, court et râblé comme un petit taureau breton; le caractère d'un enfant gâté. Je recommande la bricole pour ces petites voitures."
"Le break":
"En général, je n'aime pas les voitures à deux fins, le break excepté. Ouvert, c'est la meilleure des voitures de chasse et de course à la campagne; au besoin en enlevant l'intérieur on a un fourgon. Couvert en omnibus, avec impériale, il sert à aller chercher les visiteurs au chemin de fer. "
"Le cabriolet à pompe ou curricle":
"Une caisse de cabriolet, montée sur un timon soutenu par une tringle d'acier poli portant sur les reins de deux chevaux. Un ressort à pompe, placé dans l'intérieur de la tige qui de la tringle rejoint le timon, adoucit les cahots. Il faut se faire suivre de deux grooms à cheval, uniquement que, lorsqu'un des deux vient tenir vos chevaux, l'autre puisse prendre en main le cheval de son camarade.
C'est riche, mais c'est un peu clinquant: une vraie voiture d'hospodar*."
* Hospodar:Ancien titre de certains princes vassaux du sultan de Constantinople principalement en Moldavie et en Valachie.
"Le Stanhope":
" J'aime mieux l'ancien tilbury à télégraphe; c'était léger et coquet et, mieux encore, le cabriolet. Le stanhope ressemble à une jardinière; c'est bon pour la campagne. Que mettre dans cette grande caisse quand on va au bois, à moins d'y mettre son groom?"
"La mort subite":
Pour mériter ce nom, cette espèce de tilbury doit être beaucoup plus élevée et avoir des roues plus hautes que ne l'indique le dessin; Celle-ci est une voiture pour les courses de trot. Avec un bon trotteur américain, mené en filet à double anneaux, attelé en bricole, avec un petit tablier de cuir de la forme de celui des francs-maçons pour empêcher la bricole de blesser le cheval au poitrail, on doit faire un kilomètre en moins de trois minutes. Dans les proportions élevées et lorsqu'elle est construite solidement, la mort subite est admirable pour dresser les chevaux. La hauteur du siège donne une grande puissance et si le cheval rue, ses coups de pied passent sous la caisse; après s'être bien défendu, il faut qu'il cède, à moins que....le nom de la voiture dit assez l'alternative
"Le cabriolet":
"La véritable voiture d'un jeune homme élégant. Elle est, cependant, un peu abandonnée. Pourquoi? C'est qu'il faut un steppeur de 15000 frs, payé bon marché. J'en ai connu un, âgé de vingt-cinq ans, qu'on était obligé de nourrir au pain blanc. On ne le sortait qu'une fois par semaine et il ne dépassait jamais le rond-point. Mais quelles allures! son maître ne l'aurait pas cédé pour le prix d'une ferme en Brie; un cheval à porter à la boutonnière.
Au repos, un cheval de cabriolet doit s'allonger, en cambrant les reins, de façon à couvrir au moins trois mètres de terrain entre ses sabots, et avoir la raideur et l'impassibilité d'un grenadier prussien, tout en mangeant la noisette. Celui que nous montre le dessin est un cheval neuf qui n'est pas encore placé"
"Le phaéton":
"Je ne sais pourquoi les personnages de ce dessin portent ici un chapeau rond, car le phaéton est une vraie voiture des Champs-Elysées pour un jeune homme, la seule où il puisse conduire à deux et faire stepper ses chevaux."
Le phaéton ne supporte pas la médiocrité : les chevaux doivent être à la fois fins et bien membrés, les harnais sobres d'ornement, mais très soignés. Pour domestiques deux grooms en tenue anglaise, culottes de peau, bottes à revers et chapeau non galonné.
*Stepper: marcher avec vivacité et une grande action en parlant d'un cheval de trot.
"Le brougham":
"Je ne m'habituerai jamais à voir une femme enfermée dans ces petites boites. On a beau mettre un cocher en grande tenue, avec une pèlerine de fourrure, le brougham n'en reste pas moins exclusivement une voiture d'homme. Un gros cocher et un valet de pied jureront toujours sur ce petit siège; il faut absolument un petit cocher et un groom en livrée anglaise.
Pour une femme élégante, Dorsay à huit ressorts."
"Le clarence ou coupé trois quart"
"En fait de coupé à un cheval, c'est le seul possible pour une femme comme il faut. Son avance en rotonde vitrée et ses deux places de devant suffisent pour lui donner un air assez respectable et le distinguer d'une voiture de cocotte. Un peu plus lourd que le brougham, il permet un cheval plus fort et moins élégant, et son siège plus large permet un cocher plus sérieux et un valet de pied galonné au lieu d'un groom en livrée anglaise, ce qui ajoute à la respectibilité de cette voiture. Les harnais doivent être plus chargés de cuivres que ceux d'un petit coupé; enfin, il faut donner à cette voiture, pour bien la distinguer de celui-ci, l'air le plus douairière possible."
"Le mail-coach":
" La voiture des courses et des pique-niques. Toujours- je dis toujours- il doit être mené en four in hand; les domestiques sont derrière, toujours prêts à sauter pour aller réparer les désordres qui peuvent se produire dans les harnais ou remettre un palonnier brisé. Les femmes, je parle des femmes comme il faut, ne montent jamais outside; les hommes ne montent jamais dans l'intérieur de la voiture; il est entièrement réservé aux dames qui y trouvent toutes les commodités de conversation: on ne se gêne pas entre femmes.
L'attelage en poste n'est ici qu' exception, c'est un souvenir personnel."
L'attelage en poste, peu conventionnel pour ce type de voiture, n'est pas de mise dans les soirées mondaines. Par contre il est possible que ce type d'équipage soit loué pour des sorties plus frivoles avec des dames du demi-monde. Les messieurs pouvaient ainsi se livrer à diverses "turpitudes" sans risquer de renverser l'équipage.
Voici un exemple de ce type de sortie aux courses de "la marche". On peut y voir une calèche menée en poste et des invités aux comportements quelque peu grivois.
"Le drag conduit en four in hand"
"La voiture des courses et des pique-niques. Quoi qu'on en dise, je n'aime pas voir les femmes dans l'intérieur, et je préfère voir les glaces en bois levées que de voir des chapeaux roses passer par les portières. L'intérieur n'est bon qu'à contenir les provisions.
Ces sorties sont, bien sûr, plus policées que dans les dessins précédents.
"Depuis les chemins de fer, l'habitude de conduire à quatre s'est un peu perdue et c'est pour cela qu'à Londres on a formé un club de "four in hand". Pour en faire partie, il faut posséder un attelage à quatre chevaux et conduire soi-même. Les membres du club se réunissent à Hyde-Park, tous les mercredi chacun sur son siège, et tous les ans le nombre de sociétaires augmente.
Le dessinateur a oublié le principal de ce mode de mener: le fouet. C'est, en effet, avec le fouet, plus qu'avec les guides, qu'on dirige quatre chevaux. Ce fouet, long comme une canne à pêche, a une mèche fine et longue comme une ligne et son maniement a beaucoup d'analogie avec la manière de jeter la ligne pour la pêche à la mouche volante. Après avoir touché légèrement les leaders, on ramène par un léger coup du poignet la mèche, qui vient s'enrouler autour du manche en formant à l'extrémité comme un immense oeillet, ce qui permet de fouetter les chevaux de timon comme avec un fouet de longueur ordinaire. Il en est de même lorsqu'on conduit en tandem. Les anglais disent d'un bon meneur à quatre qu'il est un capital whip, un excellent fouet. Le grand art du menage à quatre est de bien mettre ses chevaux ensemble et de ne pas changer de train: tel on est parti, tel on doit arriver."
Ici ce termine ces commentaires qui je l'espère vous auront interessé et amusé.
Texte:
Patrick Magnaudeix
Documentation:
"LaVie Parisienne" du 15/02/1865
"La Vie Parisienne" du 29/04/4865