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Malle- postes portugaises ;
Originaux et maquettes de José Brito/ 2
Les voitures et le fonctionnement de la ligne Lisbonne-Porto 1854-1864
Cet article fait suite à l'article "Malle- postes portugaises ; originaux et maquettes de José Brito /1" qui vous a fait découvrir la mise en place chaotique du transport du courrier et des passagers au Portugal.
Nous allons nous attarder sur la ligne de diligence qui fut la plus aboutie; celle reliant Lisbonne à Porto. Nous en profiterons pour découvrir les différents types de voitures mises en circulation. L'étude de ces voitures, dont 4 modèles différents sont encore conservés de nos jours, sera facilitée par la précision du travail de José Brito qui n'a négligé aucun détail dans la réalisation de ses maquettes.
1854-1864 Ligne Lisbonne Porto
Unissant les pôles économiques les plus importants du Portugal, cette ligne est sûrement celle qui, en pleine révolution industrielle, a eu le plus d'impact.
Après l'échec d'un appel d'offre, l'Etat décide de prendre en charge, lui-même, la mise en place et l'exploitation de cet itinéraire. Les premiers travaux consistent non seulement à la remise en état de la route existante mais également, pour répondre aux nécessités économique locales, à la création d'un nouveau tracé. Cette mise à niveau, ou création, de l'infrastructure routière, bénéficie des avancées techniques innovée par l'ingénieur anglais Macadam. Des relais sont également installés.
Les relais
23 relais sont installés tout au long de l'itinéraire. Ils assurent le changement des chevaux et l'accueil des passagers. Le plus grand nombre d'entre eux sont construits suivant un modèle unique, spécifique à cette ligne. Quelques bâtiments de ce type existent encore.
Ces bâtiments très fonctionnels étaient dessinés en forme de U, encadrant une place centrale dédiée au stationnement de la diligence.
Fonctionnement de ce service de malle poste
La première partie de cet itinéraire, reliant Lisbonne à Coimbra, est inaugurée en mai 1855. La mise en fonctionnement du reste de la ligne, reliant Coimbra à Porto, initialement prévue pour 1856, est reportée une première fois à 1857 pour n'être finalisée qu'en 1859.
Les passagers partent de Lisbonne en bateau pour joindre le point de départ de la route qui se situe à Carregado. Mais, dès 1856, cette liaison fluviale sur le Tage est remplacée par un parcours en chemin de fer, dont la première voie vient d'être inaugurée.
A Carregado, le courrier, confié au conducteur, et les passagers prennent place pour un voyage d'environ 300 km, couvert en 34 heures. Le conducteur assume la totalité du voyage car il doit assurer la surveillance du courrier et faire respecter le règlement tout au long du voyage, au contraire des cochers, remplacés à certains relais. Le changement des chevaux prend environ dix minutes. Les passagers peuvent descendre de la voiture pour se restaurer dans quelques uns de ces établissements comme par exemple ceux de Caldas da Rhaina et de Leiria entre Carregado et Coimbra.
Voitures assurant le transport:
Contrairement à de nombreux pays, comme la France, des exemplaires des voitures ayant circulé sur cette ligne ont été préservés et sont exposés à Lisbonne; 3 au Musée de la communication et 1 au Musée des carrosses. Fait étonnant, trois au moins de ces voitures ne sont pas d'origine portugaise. La construction chaotique du réseau routier et postal n'a peut être pas permis le développement d'une industrie carrossière capable de réaliser ce type de véhicule.
Il semble donc que ces diligences aient été achetées, par petits lots, à l'étranger, en fonction de l'augmentation des besoins. Les quatre voitures préservées sont totalement différentes, autant par leur origine que par leur facture;
-deux, reprenant le dessin de caisse d'un mail coach mais différentes dans leur montage, sont l'une d'origine anglaise et l'autre d'origine inconnue,
-une a été fabriquée par une carrosserie industrielle parisienne,
-la dernière est signée par une carrosserie de luxe belge.
Nous appuierons la description de ces voitures par un certain nombre de photos prises sur les originaux et leurs reproductions. En effet, les détails de la construction des maquettes réalisées par José Brito permettent de découvrir les parties cachées des voitures.
Voiture d'origine inconnue
La décoration de carreaux de faience laisse penser que cette voiture n'a été attelée qu'à deux chevaux mais je n'ai pas trouvé de confirmation par ailleurs. Elle semble avoir été mise en service dès le démarrage de la liaison puisqu'on la voit décrite, dès 1855, dans certains documents.
De conception assez rustique, la caisse autoporteuse est composée d'une caisse de berline ayant un décroché sur l'avant. Cette caisse est encadrée par deux grands coffres et suspendue par des ressorts à pincettes, à l'avant, et par des ressorts de type télégraphe, à l'arrière. Détail surprenant, elle n'est pas munie d'un frein mécanique mais uniquement de sabots.
Maquette réalisée par José Brito
Voiture d'origine anglaise
Nous n'avons pas d'information sur le carrossier de cette voiture hormis son origine anglaise, certifiée par le Musée de la communication de Lisbonne. Cette information est confirmée par la facture de la voiture qui l'apparente à la famille de la célèbre malle-poste anglaise; le mail coach.
Elle a, en effet, les caractéristiques du coach, telles que définies par Sallman dans "Le coaching en France au XIX° siècle":
Le coach... se caractérise "par une caisse de berline faisant corps avec deux grands coffres à l'avant et à l'arrière."
"Cet ensemble est monté sur un train à flèche rectiligne, sans col-de-cygne pour le passage de roues antérieures et sur une suspension télégraphe."
Cette voiture d'état est rouge pour la caisse et noire pour les coffres. Les portes sont marquées du monogramme royal, surmonté de l'appellation "Correio". Des sièges extérieurs équipent les coffres et l'impériale; celui du coffre arrière, siège du conducteur, est monté sur ferrure. La voiture est équipée d'un système de frein mécanique dont la manivelle se situe sur le siège du cocher, à l'avant droit de la voiture.
Cette diligence est prévue pour le transport de quatre personnes, en 1° classe, à l'intérieur de la voiture et de 4 autres voyageurs, en 2° classe, sur l'impériale.
Voiture d'origine française
L'augmentation régulière du nombre de passagers entraîne l'achat de cinq voitures supplémentaires, chacune d'une capacité de 12 places. Elles sont construites par la société française de construction de voiture de service; "La carrosserie du chemin vert", à Paris. Peu d'informations existent sur cette entreprise, hormis:
-son inscription dans l'Almanach de Paris, de 1850 à 1853, rue du Chemin-Vert à Paris. Il y est spécifié que cette carrosserie industrielle fabrique des roues de voiture, par procédés mécaniques, et construit et entretient des voitures.
-sa présence à l'Exposition universelle de Paris, en 1855, dans la section N°5. Toujours installée au 28 Rue des chemins verts et alors dirigée par M Abollard, l'entreprise y présente des roues d'artillerie et un omnibus à 24 places.
Cette voiture est attelée à quatre chevaux ou, éventuellement, quatre mules, comme le propose cette reconstitution de 1930.
La caisse est constituée d'un coupé à l'avant
séparé de la berline, située à l'arrière, par un coffre intermédiaire destiné au transport du courrier. La maquette de José Brito nous permet de découvrir l'agencement de l'habitacle de la berline.
Le siège de cocher est situé en haut du coupé.
L'impériale est utilisée à deux fins:
-pour le transport des bagages.
Des anneaux disposés sur une galerie basse permettent d'arrimer la bâche de protection. La voiture prise comme modèle semble incomplète.
-pour l'accueil des passagers de seconde classe.
Les dessins ci-dessous montrent que l'impériale est dotée de quatre boulons qui permettent de fixer un siège, couvert d'une capote, destiné à l'accueil des voyageurs les moins fortunés.
Le freinage est assuré par une mécanique complétée par des sabots.
Voiture d'origine belge
Cette diligence, que nous voyons ici avant sa restauration, a été construite par le carrossier belge Jones Frères / rue de Laeken à Bruxelles.
L'origine de cette voiture est assez étonnante pour un modèle destiné à assurer un service de transport public. En effet, la maison Jones frères est, à cette époque, l'une des plus réputées de la carrosserie belge. Les frères Jones ont repris, progressivement, l'activité paternelle dans les années 1840, en sauvegardant et même amplifiant sa réputation internationale.
Les commentaires sur les voitures, présentées dans les expositions nationales et internationales, sont très élogieux comme, en 1851, dans le compte rendu de l'Exposition de Londres.
"Elégance et convenance de la forme, le bon goût de la garniture,...jointes à la perfection du charronnage, la légèreté du train et des ressorts"
Voitures présentées par Jones frères à l'Exposition de Londres de 1851: "Petite victoria" et "Break pour poney"
Coupé présenté par Jones frères à l'Exposition des produits de l'industrie nationale, à Bruxelles, en 1841 (Journal des haras 1842)
Coupé exposé à l'Exposition des produits de l'industrie nationale, à Bruxelles, en 1841 (Journal des haras 1842)
L'entreprise Jones frères est le fournisseur de plusieurs cours royales. Cette berline, présentée à l'Exposition des produits de l'industrie nationale, à Bruxelles, en 1841 (Journal des haras 1842), est destinée à la cour royale de Belgique.
Berline de la cour royale de Belgique, "Louise Marie", fabriquée par Jones frères en 1855 primée la même année à l'Exposition internationale de Paris.
Il est donc surprenant (même si à cette époque les voitures des carrossiers belges sont d'un coût moins élevé que celles de leurs collègues anglais et français) qu'une entreprise de transport public achète une diligence à un carrossier aussi renommé. Ceci s'explique par le fait que cette entreprise a la particularité d'avoir des ateliers spécialisés dans des productions de grand luxe, de gala,... et d'autres, orientés vers des production, certes, de grande qualité mais plus communes.
Nous retrouvons cette recherche de perfection dans l'esthétique générale de la voiture: tout particulièrement dans ses aménagements intérieurs.
En comparant l'original à sa reproduction construite par José Brito, il est facile de comprendre que sa maquette soit exposée à Lisbonne, au côté de l'original.
Nous nous appuierons, justement, sur les photos de cette maquette pour découvrir les particularités de cet exceptionnel véhicule.
La partie avant se compose d'un coupé prolongé par une avancée aux parois disposées en biais et sur lesquelles sont fixées les portes. L'intérieur est composé d'une banquette, complétée par un strapontin.
Précédent la berline, un coffre est dédié au transport du courrier. Ses portes sont fermées par une clef qui était conservé par le conducteur tout au long du voyage. Ce détail n'a pas échappé à José Brito qui est allé jusqu'à reproduire la serrure et sa clef.
La berline est munie d'un escalier dépliable. Elle est équipée de deux banquettes en face à face; celle de la porte se repliant pour sortir de la voiture.
Le freinage de la voiture est assuré par des sabots et par une mécanique dont l'axe de la manivelle, protégé par un caisson est fixé sur la galerie.
Voici quelques autres détails de la maquette.
Nous ne pouvions terminer la présentation de ces voitures et de leur maquettes sans mettre en valeur la complexité de la reproduction de chaque pièce réalisée. Vous en trouvez une parfaite illustration dans les photos de différentes phases de réalisation des lanternes.
Rapidement concurrencée par le chemin de fer, cette ligne n'a eu qu'une brève activité, de 1855 à 1864, soit 9 ans. Seule la liaison Porto Guiamäres a pu resister, pendant 19 ans, au développement du chemin de fer.
Il ne reste, alors, qu'une multitude de sociétés privées qui assurent les liaisons entre les gares et les villages environnants.
Conclusion
La difficulté d'implantation, de 1793 à 1847, de lignes de malle-poste, certes, due au mauvais état du réseau routier et à l’instabilité politique, provient également de l'inadéquation des itinéraires choisis par rapport aux réelles attentes des utilisateurs potentiels. Elles ont fait faillite, avant tout, par manque de clientèle.
Malgré un fort appel à des acteurs européens des transports; dans la gestion des itinéraires, la construction des voitures,..., le Portugal n'a pas réussi à combler le manque récurrent d'investissement dans le secteur économique du transport terrestre.
Paradoxe final; ce pays développa véritablement le service de malle poste dans les années 1850, à la période même où il s'engageait dans la création d'un concurrent direct; le réseau ferroviaire.
Ce développement tardif et de courte durée a facilité, pour notre bonheur, la sauvegarde de cet étonnant et si diversifié aréopage de diligences que José Brito a reproduit avec tant de fidélité.
Texte:
Patrick Magnaudeix
Documentation:
Fernando Moura /Malle-poste, une nouvelle forme de transport du courrier.
Catálogo da exposição: A Mala-posta 200 anos do final do 1º período - Lisboa-Coimbra 1798/1804, FPC, Lisboa
A passagem de la posta
A mala-posta e diligência
Catherine Rommelaere "voitures et carrossiers"Jean Louis Libourel "notes sur la carrosserie du chemin vert".