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Comment mener un coach ? Le plus simple est de lire le livre d’Edwin Howlet “Leçons de Guides”, œuvre dédié par ailleurs à W.B. Tiffany (Voir aussi sur ce site l'article d'Henry Baup dédié à Edwin Howlet). Par ses Leçons de menage à quatre, Howlett a une influence importante sur le monde du coaching. Le grand Benno von Achenbach prend des Leçons chez lui et rend un vibrant hommage au maître. En 1905, le journaliste français, Paul Mégnin décrit dans La Vie au Grand Air son expérience comme élève de Edwin Howlett. Le maître m’assure que “si tu n’es pas myope ou balourd, je t’apprendrai en quelques jours comment mener un coach dans Paris”. Howlett tient parole, Mégnin conclue :avec un peu de pratique, c’est aussi simple que de mener en simple.
A travers les années, l’observation des mouvements de chevaux amène une représentation de plus en plus sophistiquée. Un des premiers maîtres peintres est Charles Cooper Henderson apprenti de Samuel Prout, dont la liste d’étudiants comprend Turner, Gainsborough, Ruskin et Constable. Charles Cooper est autodidacte comme peintre animalier hors pair. En 1879-1880, Thomas Eakinsutilise la photographie pour analyser avec précision le mouvement de chevaux. Le résultat est son chef d’œuvre The Fairman Rogers Four-in-Hand (titre original A May Morning in the Park) où l’on voit Fairman Rogers avec famille et amis à bord de son coach à quatre dans le parc de Fairmount en Philadelphie. Fairman Rogers, un meneur accompli, est le fondateur du Philadelphia Coaching Club et l’auteur de : ‘A Manual of Coaching’(Philadelphie 1900), encore aujourd’hui considéré comme la « bible » du meneur de coach.
Chef d'oeuvre de Thomas Eskins: "Le coach de Fairman Rogers dans le parc de Fairmount à Philadelphie"
L’artiste prolifique Victor Eugène Géruzez, mieux connu comme Crafty, observe la scène hippique Parisienne. Il nous informe qu’à partir de 1860 et pendant dix ans, régulier comme une horloge, un gentleman Américain mène son coach Bois de Boulogne, accompagné d’un ami et de deux grooms. Les aristocrates français, leurs riches amis américains s’équipent de Drags et de Road Coachs aux noms prestigieux, Million & Guiet, Mühlbacher, Ehrler, Kellner.
Le Duc de Morny, demi-frère de Napoléon III est parmi les premiers à présenter un Private Road Coach, les millionnaires américains, W.B. Tiffany, E. Higgins, Suffern Tailer, Roberts, Ridgway, Morgan sont de toutes les fêtes mondaines. Le plus flamboyant Américain sur la scène du coaching parisien est sans aucun doute J. Gordon Bennett Jr., héritier du journal le New York Herald, playboy et aventurier. Sa renommée reste vivante, une course annuelle de motos sur l’Ile de Man au Royaume Uni porte son nom, sans oublier le Gordon Bennett Balloon Race, événement annuel organisé la dernière fois le 13 Septembre 2019 à Montbéliard. Le Los Angeles Times le qualifie d’événement vedette des courses de montgolfières. La première édition part de Paris, le 30septembre 1906. Après une interruption à partir de 1940, la course reprend en 1979, grâce à l’initiative de l’Américain Tom Heinsheimer.
A la tête de grosses fortunes, amateurs et praticiens de coaching, les millionnaires américains tournaient autour de Gordon Bennett. Ce personnage haut en couleurs décroche une place dans le Guinness Book of World Records dans la catégorie ‘Plus grand faux pas en fiançailles’. A la fête du Nouvel An 1877, fiancé de la charmante Miss Caroline May, Gordon Bennett, en état d’ébriété avancé, urine dans la cheminée de son futur beau-père, qu’il prenait pour des toilettes. Cravaché par le frère de Miss May sur les marches de son club newyorkais, écarté de la vie sociale de New York, Gordon Bennett s’en va vivre à Paris. Sa présence attire de nombreux meneurs américains à quitter Londres pour la capitale française. On le trouve à Paris ou en Méditerranée sur son yacht de 108 mètres, la Lysistrata. C’est de là qu’il dirige, par télégraphe, son empire d’édition.
Un de ses amis, passionné de sport, est Henri Ridgway (1852-1913), selon le magazine The Illustrated American en date du 29 Août 1891 le ‘premier européen’ sur le ‘Toit du Monde’ les montagnes inaccessibles du Pamir en Asie centrale. Dans le même article nous apprenons tout sur les aventures de coaching de Ridgway en France sur sa ligne d’Oléron, Biarritz et Pau. A l’automne de 1890 ce meneur ‘de grand style’ mène sur la route entre Rambouillet et Paris.
Le Reunion Road Club, avec ses millionnaires américains célèbres, « descend » à la Côte d’Azur pour passer l’hiver. Deux trains sont affrétés pour déménager les deux coachs et soixante chevaux. C’est le Figaro Illustré de May 1893 qui nous donne les détails. Les gentlemen mettent le Old Rocket et le Comet en service entre Nice et Cannes, un parcours de
Le Old Rocket a survécu, on peut toujours l’admirer dans sa livrée originale. Un collectionneur allemand l’achète lors de la vente de la collection de Dina Vierny à Paris, le coach avait été peint en noir. Une restauration minutieuse entreprise par Dieter Gaiser en Allemagne redonne vie à ce coach. Le Old Rocket fait un ‘deuxième’ voyage inaugural à Almen, aux Pays-Bas, à la réunion de coachs du Private Driving Club, soixante-quinze ans après.
Alfred Gwynne Vanderbilt, membre du New York Coaching Club depuis 1899 est moins flamboyant, il a toutefois une influence importante sur le coaching en Angleterre et en France entre 1899 et 1914. Chaque année, lors de son voyage en Europe, aidé par son ami Albert Howlett, il organise des meets, pulvérise maints records. Chaque année, quatre coachs accompagnés de trente chevaux font le voyage transatlantique en bateau : Venture, Viking, Vanity et Vogue. Les chevaux sont exclusivement gris, connaissent les parcours par cœur : Londres- Brighton, Londres – Paris, le Blue Ribbon et tant d’autres. Vanderbilt trouve la mort lors du torpillage du Lusitania par un sous-marin allemand en 1915. Bien que ne sachant pas nager, Vanderbilt aide une jeune maman avec son bébé à enfiler son gilet de sauvetage.
Le Commodore, un Road Coach authentique, est décrit en 1837 dans le premier livre de Charles Dickens, The Pickwick Papers. Au 100ième anniversaire de la sortie du livre son propriétaire de l’époque, Bertram Mills, refait la même route de Londres à Rochester. Le coach, aujourd’hui propriété d’un collectionneur hollandais, sort dans sa livrée originale une ou deux fois par an.
Quelques records ? De Paris à Trouville en Normandie, 225 kilomètres en 10hrs. 50 min. Le journaliste Henry Finney du Figaro Illustré nous décrit les 13 étapes du coach Herald mené par Eugene Higgins, membredu New York Coaching Club. William G. Tiffany, le propriétaire du coach, prendra les guides pour la seconde partie du voyage. Parmi les autres passagers : James Gordon Bennett, Auguste Guiet, fils du carrossier bien connu, Thomas Suffern Tailer. Le‘Guard’ n’est personne d’autre que Morris Howlett, le fils de. Le photographe Ch. Hiekel a trouvé une petite place à l’intérieur, il enregistrera l’épopée et l’artiste portugais Manuel Luque de Soria utilisera ces photos pour créer une série d’aquarelles. A la suite, Monsieur Guiet notera avec plaisir la commande de deux coachs identiques le Comet et la Columbia respectivement pour Messieurs; Gordon Bennet et Suffern Tailer.
Ont-ils battu le record de James Selby sur le mythique parcours de Londres à Brighton? Le 14 juillet 1888, Selby mène le coach propriété de Henry Wyndham Lord Beaconsfield, The Old Times, aller et retour dans le temps record de 7hrs 50 min. Il gagne son pari de 1.000 livres sterling.
La vitesse de Higgins était de 22.50 kilomètres/heure après déduction des arrêts pour changement d’équipages de chevaux, Selby a réalisé 21.75 km/h. Sans déduction des arrêts Selby est le plus rapide. Il pouvait se permettre de faire des changements de chevaux plus rapides sur un parcours bien connu et surtout avec des équipes de grooms habitués aux changements d’équipages de chevaux bien entrainés. Higgins fait des étapes plus longues, son parcours est plus vallonné. Surtout il doit se contenter d’équipages réunis pour l’occasion, loués, non habitués à la vitesse et au travail à quatre. Je vous laisse le soin de déterminer qui des deux est le gagnant.
Les meneurs d’aujourd’hui, désireux de maintenir les traditions, prennent plus de précautions. Les conditions de trafic ne sont plus les mêmes, les chevaux, bien que bien entrainés, sont moins sollicités. C’est très rare de voir des parcours avec changement d’équipages. Le coaching reste un événement social d’exception, réunit des enthousiastes des deux côtés de l’Atlantique pour un pique-nique savoureux, à l’ombre des arbres centenaires d’un parc, sur le gazon d’un château ou derrière la barrière d’un champ de courses. Une jeune génération de meneurs se prépare, vous aurez le plaisir de voir évoluer des coachs pendant encore de multiples années.
Texte
Stéphan Broeckx
Photos
François Durand, Carriage Association of America, Library of Congress, Figoli, Wikimedia, Courtoisie.