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La renommée de la carrosserie parisienne fait souvent oublier la carrosserie provinciale. Certes, en nombre, face aux 130 carrossiers et les 240 charrons (constructeurs de voitures de commerce) recensés, par exemple, en 1890 à la chambre syndicale à Paris, les villes de province pourraient faire pâle figure. Pourtant, elles accueillent un nombre de professionnels assez important pour leur population, dont certains de très bonne réputation. Ainsi, la ville d'Orléans, ville d'environ 57000 habitants, abrite 11 charrons et 9 carrossiers. Ces derniers ont pour nom; Amiet, Arraux, Audoux fils, Delaugère frères, Dubouis, Lange, Maillet, Petit fils et Remy.
Annuaire 1890 du syndicat de la carrosserie, de la sellerie, du charronnage, de la bourrellerie et des industries annexes.(Collection de l'auteur)
La maison Delaugère frères, citée dans cette liste, est l'une des plus importantes carrosseries de la ville d'Orléans jouissant d'une grande notoriété. Cette reconnaissance s'appuie sur son ancienneté (elle fut créée en 1855) et sur la qualité de ses voitures à cheval. A partir de 1894, elle se spécialise conjointement dans la construction de véhicules motorisés; cycles, automobiles, poids lourds. Elle produira des voitures à cheval, automobiles et camions jusqu'en 1925.
L'entreprise est fondée par Jean Pierre Delaugère, fils et petit-fils de cardeurs, né le 25 février 1810. Bien que n'ayant hérité d'aucun bien de sa famille, son mariage en 1836 avec Madeleine Coutant lui permet de disposer d'un certain capital pour créer sa propre entreprise.
1855
Nous ne connaissons pas son parcours exact mais l'annuaire d'Orléans, en 1855, l'enregistre comme sellier au 68 rue d'Illiers. Rapidement, il prend la relève du carrossier Auguste Narcisse François Perrault installé au 89 de la rue d'Illiers.
1860
Il achète, grâce à un crédit de 12 ans, les locaux de son prédécesseur qui sont situés en face d'un loueur de chevaux et de voitures; Charles Gagé, ce qui est probablement un atout dans le développement de son entreprise.
Omnibus à capucine (Collection Clament)
Omnibus privé (collection Kesteloot)
Dog-cart (Collection Ferrarom Espagne)
Wagonnette (collection D Martin)
1864
Jean Pierre crée, avec son fils aîné Henri, toujours au 89 rue d'Illiers, une société en nom collectif: "Delaugère Père § Fils". Elle a pour objet la fabrication, l'achat et la vente de voitures et autres accessoires d'attelage. Cette association semble fructueuse car, en 1865, ils agrandissent leurs locaux. Leur réussite est portée par la qualité de leur production qui leur permet d'obtenir, en 1868, une médaille de bronze à l'exposition des beaux arts d'Orléans, ainsi saluée par le journal "Le Loiret":
"Il serait injuste de ne pas reconnaître la beauté des voitures de MM Delaugère, dont l'une, un duc, se recommande par un avant-train breveté d'une ravissante élégance; l'autre, un coupé solidement et richement établi, trop solidement peut être, si un seul cheval doit avoir l'honneur de le trainer".
1868
Au décès de Jean Pierre, Henri prend, avec sa mère, la direction de l'entreprise.
1872
Henri crée, avec son frère Emile alors âgé de 23 ans, une nouvelle société; Delaugère frères, toujours domiciliée au 89 rue d'Illiers et qui a toujours pour activité la vente de voitures neuves et d'occasion. En 1877, ils obtiennent une médaille d'argent à l'exposition d'Orléans.
Wagonnette Delaugère frères (vendue à Orléans par Maitre Savot en 1998)
Leur réputation leur permet de vendre hors de leur département d'origine puis, l'entreprise se développant, de construire, au début des années 1880, un hall d'exposition.
Façade du bâtiment abritant le hall d'exposition au 89 rue d'Illiers.
Lors de l'exposition d'Orléans de 1884, la société a droit aux éloges du journal local "Le Loiret":
"Dignes émules de Binder (célèbre famille de carrossiers), MM Delaugère ont envoyé dix-huit voitures de luxe dont l'élégance et le fini suffisent pour établir la valeur industrielle de leurs ateliers. Vraiment, on ne saurait travailler mieux, même à Paris. Cart, duc, king dos à dos, panier-corbeille, omnibus bourgeois, landau de gala à cinq glaces, boghei, charrettes anglaises, milords à caisse ronde ou carrée, coupé trois quarts, tout atteste la main d'œuvre expérimentée des coopérateurs de MM Delaugère..."
A l'occasion de cette exposition, la description de l'activité de l'entreprise est également développée dans un article de commande du "Panthéon de l'industrie"; revue promotionnelle parisienne.
A cette période, l'entreprise emploie 50 à 60 salariés et regroupe dans ses locaux l'ensemble des ateliers; charronnerie, menuiserie, peinture, ... nécessaires à ses productions.
1890
Henri se retire au profit de son fils Felix qui, avec son oncle Emile, crée une nouvelle société; Delaugère § Cie. Ils obtiennent, en 1894, une médaille d'honneur à l'exposition industrielle d'Orléans.
Charrette anglaise en osier, nommée panier (Collection Ayers-Harris en Grande-Bretagne)
Laitière bourbonnaise Delaugère § Cie (Collection château de Cheverny)
Coupé carré Delaugère § Cie (Collection Bury)
Break omnibus à capucine, nommé également Omnibus ballon à capucine ( Collection Louis § Frank Lacroix). Cet omnibus est transformable. Grâce à huit boulons, sa partie supérieure est démontable le transformant ainsi en grande wagonnette (voir plus d'information dans l'article "Omnibus à ballon et à capucine". ).
Vers 1894-1895, Felix cherche à maitriser la mécanique. Quelque temps plus tard, il s'assure le concours du mécanicien Romain, inventeur du moteur du même nom. L'entreprise participe, en 1898 à la première exposition automobile à Paris où, au milieu de 77 constructeurs, et y présente ses tricycles et voiturettes, équipés d'un moteur de la maison.
Cette entreprise fera donc partie de la petite élite, issue de la carrosserie hippomobile, qui aura su prendre le cap de la production automobile en tant que constructeur. Elle maintient cependant sa production hippomobile et, à l'exposition de Paris en 1900, elle présente 2 voitures à cheval, trois véhicules motorisés et un moteur à pétrole seul.
Extrait du journal "La carrosserie française" sur l'exposition universelle de 1900. (colllection de l'auteur)
Cette exposition permettra à la maison Delaugère § Cie et à ses collaborateurs d'obtenir plusieurs récompenses; une médaille d'argent pour l'entreprise, une médaille d'argent à M Romain, une médaille de bronze à MM Bordier, Chevalier et Ladrey et une mention honorable à M Millet.
1903
Pour assurer le développement de leur entreprise, Emile et Felix s'associent, en 1903, à un ingénieur des arts et métiers; Maurice Clayette. Ils créent alors la société en nom collectif; E et F Delaugère § M Clayette. Emile prend en charge la carrosserie, la comptabilité et l'encaissement, M Clayette la partie mécanique et Felix la fabrication et des ventes. L'entreprise développe ses productions mécaniques tout en maintenant, jusqu'en 1925, une production hippomobile qui diminuera progressivement au fil du temps.
Extrait du catalogue 1903 de "Delaugère § Clayette"
En 1906 l'entreprise consolide sa structure économique en prenant le statut de socièté en commandite par action et devient Delaugère, Clayette § Cie.
Dès 1908, la production automobile s'écarte progressivement des formes hippomobiles avec un intérêt grandissant pour l'aérodynamisme.
Affichettes publicitaires "Delaugère, Clayette Frs § Cie"
1925
Confronté à des difficultés financières, "Delaugère, Clayette frères § Cie est absorbée par Panhard-Levassor. Rapidement, les voitures fabriquées à Orléans portent la marque Panhard ateliers Delaugère Orléans.
1966
L'entreprise "Panhard" est elle même absorbée par Citroën SA.
Je ne développerai pas dans cet article la riche histoire de l'entreprise dans la production mécanique que vous retrouverez dans un ouvrage dont vous pouvez précommander la réédition en cliquant sur le lien ci dessous.
"Delaugère § Clayette carrossiers de 1855 à 1966"
Cette riche aventure industrielle a incité la famille et nombre de passionnés de la marque à se réunir dans l'association "Delaugère et Clayette club".
Cette association cherche actuellement à enrichir sa documentation sur la partie hippomobile de la maison Delaugère; catalogues, dessins, ... .
Elle dresse, entre autre, un inventaire des voitures à cheval encore conservées.
Nous ne pouvons que nous joindre à cette démarche en vous communiquant leur appel à inventaire et en vous encourageant à leur envoyer vos photos et autres documentations.
Voici les liens pour contacter l'association:
Pascal Delaugère
509 rue de Fleury 45160 Saint-Hilaire-Saint-Mesnin
Tel 02 38 64 26 33
06 23 18 76 89
Cette association soutient également des actions de restauration comme celle du fourgon Delaugère § Clayette type W de 1924, de la commune de Saint-Hilaire-Saint-Mesnin, qui fait l'objet d'un appel aux dons par la fondation du patrimoine: https://www.fondation-patrimoine.org/
Documentation, photos:
Delaugère § Clayette club, J.L. Libourel, Patrick Magnaudeix,..