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Anglo-normands et percherons de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest en 1902.

Fruits de longues années de sélection, d'évolution des pratiques d'élevage et de préparation des chevaux, les cavaleries commerciales et industrielles ont, à la fin du XIX° siècle, atteint l'excellence dans leur domaine d'activité. Cet article se propose de vous présenter un exemple du travail effectué pour choisir et faire évoluer les races de chevaux en fonction de leur utilisation. Nous prendrons comme exemple la cavalerie des grandes écuries de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest.

 

Brève présentation de l'entreprise.

La Compagnie des chemins de fer de l'Ouest est, dans la seconde moitié du XIX° siècle, l'une des principales compagnies ferroviaires françaises. Fondée en 1855, elle a joué un rôle crucial dans le développement du réseau ferroviaire dans l'ouest de la France en desservant des régions comme la Normandie, la Bretagne et une partie des Pays de la Loire. En étendant progressivement son activité de transport de passagers et de marchandises, la compagnie a eu un impact significatif sur le développement économique et social de ces régions; contribuant ainsi à leur industrialisation, leur urbanisation et leur développement touristique. Au début du XX° siècle, elle a rencontré des difficultés financières qui l'ont amenée à être intégrée à l'administration des chemins de fer de l'État.

 

Rôle du cheval dans les activités ferroviaires.

L'utilisation de la traction hippomobile a eu un impact opérationnel notable sur le développement du chemin de fer, même si elle fut souvent transitoire en raison de l'évolution rapide vers la motorisation. Elle couvre trois secteurs d'activité principaux :

 

- Transport des matériaux.

Lors de la création, l'extension ou l'entretien de lignes ferroviaires, les chevaux sont utilisés pour préparer le terrain et pour transporter les matériaux nécessaires à la construction des voies (rails, traverses, remblais, etc.).

Chevaux travaillant à la construction d'une voie de chemin de fer militaire.

Chevaux travaillant à la construction d'une voie de chemin de fer militaire.

 

-Manœuvre et triage :

Avant l'avènement des systèmes de triage modernes, les chevaux déplacent les wagons et participent à l'organisation des trains. Cette pratique va perdurer assez longtemps dans les petites gares où l'emploi de locomotives est trop coûteux.

Anglo-normands et percherons de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest en 1902.Anglo-normands et percherons de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest en 1902.

 

Nous vous invitons à vous reporter à l'article ci-dessous pour plus d'informations.

 

- Services auxiliaires.

Les chevaux attelés à des omnibus pour le transport de passagers ou à des camions et fourgons pour celui des marchandises relient les gares des grandes villes ou assurent les livraisons à courte distance pour des clients ou dépôts inaccessibles par le rail.

Omnibus des chemins de fer de l'ouest

Omnibus des chemins de fer de l'ouest

 

Au début des années 1900, la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest entretient une cavalerie de haut niveau, sélectionnée et entretenue avec beaucoup de soin. D'ailleurs, ses participations aux concours organisés par la Société française hippique à Paris sont régulièrement couronnées de succès.

« Parmi les premiers lauréats de chaque année à Paris, nous trouvons en première ligne la Compagnie des Chemins de fer de l'Ouest. Il est assez curieux de constater, au moment où un certain nombre de maisons de commerce ou de grands magasins font infidélité au cheval et adoptent la traction mécanique pour leur matériel de livraison, que la Société française hippique accorde à la c

Compagnie de l'Ouest les premières récompenses chaque année, malgré le grand nombre d'excellents chevaux présentés au concours de Paris. »

Chaque année, La compagnie y présente un omnibus attelé à cinq chevaux.

Omnibus de la compaglie des chemins de fer de l'ouest attelés à 5 chevaux

Omnibus de la compaglie des chemins de fer de l'ouest attelés à 5 chevaux

Le même modèle suivant une diligence.

Le même modèle suivant une diligence.

En ce tout début du XX° siècle, alors que de nombreuses entreprises optent pour la motorisation, la compagnie choisit de maintenir l'utilisation de la traction animale. Elle possède à Paris plusieurs dépôts-écuries, qui sont en 1902 sous la haute direction de M. Henry de Milhau, chef du service de factage et du camionnage. Les plus importants de ces dépôts sont situés au 163, avenue de Clichy et au 86, rue de Rome. C'est de là que partent, à chaque heure du jour et de la nuit, les attelages divers mis en service à Paris. Elle s'occupe elle-même de l'achat, du dressage de ses chevaux et de l'organisation de ses services de transport par voitures de voyageurs, colis ou bagages. La Compagnie des chemins de fer de l'ouest se caractérise par la tenue et surtout l'uniformité et l'appareillement de ses attelages. « Tous ses chevaux, attelés en paire ou en flèche, sont exactement du même modèle, ont la même robe, les mêmes allures, et marchent correctement ensemble. »

Elle utilise essentiellement des carrossiers normands pour les omnibus et des percherons pour les activités de tractage en gare et de livraison. En voici leurs caractéristiques, présentées en 1902 dans un article de La Vie au grand air.

 

Carrossiers légers normands.

Les omnibus pour le transport des voyageurs sont attelés principalement de carrossiers légers normands originaires du département de la Manche. Autrefois, dans le cotentin, existait une excellente race de chevaux, soit de robe noire soit de robe grise, transmise probablement par une infusion de sang breton, soit de robe baie, ayant. tous les caractéristiques de l'ancienne race normande; Tête busquée, encolure rouée, croupe charnue et avalée, grande taille, enfin tous les caractères du cheval de carrosse du temps de Louis XV. Ces chevaux ont été remplacés a peu prés complètement par la race actuelle dite anglo-normande, obtenue en appropriant aux besoins du jour l'ancienne race par son croisement avec le pur-sang ou le demi-sang anglais. Aujourd'hui, cette race métissée offre autant d'homogénéité que la race ancienne. Les chevaux actuels, dont on peut admirer quelques beaux spécimens attelés aux omnibus des chemins de fer de l'ouest, se distinguent des anciens par moins de corps, moins développé, moins de poitrine et peut-être moins de dessous, mais la tête et l'encolure ont énormément gagné en beauté, la croupe est plus longue et moins inclinée, l'épaule plus oblique. Ils se sont surtout améliorés en énergie, en ardeur et en allure. En un mot, ces chevaux sont bien étoffés, ont de la taille, de grandes lignes, des formes un peu anguleuses, de la distinction et du sang. Certains des chevaux des omnibus de la Compagnie de l'Ouest viennent de l'Avranchin ; ces chevaux, d'une conformation régulière, sont plus petits et plus ronds dans leurs formes, mais ils ont un peu moins de sang.

Omnibus léger pour voyageurs -Dépôt de la rue de Rome-

Omnibus léger pour voyageurs -Dépôt de la rue de Rome-

Ce qu'il y a de remarquable dans les chevaux qu'on voit attelés aux omnibus de la Compagnie de l'Ouest, c'est qu'il sont tous admirablement appareillés à tous les points de vue: taille, robe, allures et feraient même fort bonne figure attelés à un mail coach. Le seul reproche qu'ont pourrait leur faire, c'est que pour une compagnie de transport et pour un service aussi fatiguant que le leur, ils sont peut être un peu trop de luxe.

Type de carrossier léger de demi-sang normand.

Type de carrossier léger de demi-sang normand.

 

Percherons

Les fardiers, camions-flèches, chariots, etc., de l'Ouest sont attelés de percherons; nulle part ailleurs qu'en France, du reste, on ne trouve l'équivalent de notre percheron.

Chariot fardier  pour le transport des lourdes charges -Dépôt de l'avenue de Clichy-

Chariot fardier pour le transport des lourdes charges -Dépôt de l'avenue de Clichy-

Voiture de livraison de la compagnie des chemins de fer de l'ouest -Dépôt de la rue de Rome-

Voiture de livraison de la compagnie des chemins de fer de l'ouest -Dépôt de la rue de Rome-

Camion flèche attelé à quatre -Dépôt de l'avenue de Clichy-

Camion flèche attelé à quatre -Dépôt de l'avenue de Clichy-

 C'est par excellence le cheval trottant vite en trainant un fort poids; le boulonnais vaut peut être mieux pour le service de gros trait et il a ses équivalents à l'étranger dans le Clydesdale, le Suffolk, le Shire; On a souvent essayé -en Amérique surtout- de "faire" du percheron, mais nul n'a pu y parvenir. Récemment, on a pu voir à Paris, chez Barnum, des spécimens du percheron américain, mais combien le type est éloigné de notre pur cheval du perche. L'aspect est imposant, l'ensemble séduisant, mais ce percheron d'outre atlantique est plus lourd, plus épais. Ses canons plus courts en font un cheval ramassé sur lui même. Les pieds sont aplatis, la tête est chargée, l'épaule redressée, la croupe raccourcie et le crin grossier. C'est que la qualité du cheval percheron tient au sol, aux pâturages et au climat qui l'on vu naître. Cela est si vrai que, dans  le perche même, on constate des zones bien tranchées au niveau de la configuration du terrain et du climat et qui donnent divers types de percherons; c'est ainsi que la même région  géographique produit: le percheron léger (postier de luxe), le percheron de trait (cheval d'omnibus et de camion) et l'intermédiaire entre ces deux types. C'est ce dernier type qui est le plus nombreux; son air est coquet, quoique sa tête soit un peu forte, un peu longue; les naseaux bien ouverts et bien dilatés, l'œilAu grand et expressif, le front large, l'oreille fine, l'encolure un peu courte  mais bien sortie, le garrot saillant. L'épaule est assez longue et inclinée, la poitrine un peu plate mais haute et profonde, le corps bien cerclé, le rein un peu long, la croupe ronde et bien musclée (à peine double), la queue attachée haut, les articulations courtes  et fortes, le pied toujours excellent quoiqu'un peu plat, une peau fine, des crins soyeux et abondants.

Type de cheval percheron léger.

Type de cheval percheron léger.

 

La qualité des chevaux percherons tient à l'excellence des pâturages de la région et à la façon dont sont élevés et nourris les poulains. La plus grande partie des chevaux du perche, soit de pure race percheronne comme dans la vallée de l'Huissie, soit mêlés de sang comme ceux du Merleraut et du mêle, sont vendus jeunes dans la région de Regmalard où on les élève à l'étable jusqu'à l'âge de dix huit mois. Jusqu'à trente mois on les fait travailler et à partir de cet âge, ils sont vendus et envoyés dans les régions voisines de l'Eure et de l'Eure et loir, le petit perche et le Thimerois. C'est là que vont les chercher les compagnies de transport: Compagnie générale des omnibus, compagnie des chemins de fer de l'ouest, etc.

Dans sa première année, le poulain mange de 4 à 8 litres d'avoine par jour, sans compter le son et l'orge cuite. A deux ans, même au prés il reçoit 10, 12, et 15 litres d'avoine par jour. C''est ce qui explique comment le poulain de choix destiné à faire du postier de luxe est vendu assez cher. On en cite qui ont été vendus 4000 francs; la moyenne est de 800 à 2000.  Quand le cheval ainsi élevé, après son passage en Bauce et dans la plaine de  Chartres, est jugé bon pour la vente à Paris, il va au marché de Chartres qui est le grand centre de la vente.

 

 

 

La sélection de ces différents types d' équidés va progressivement disparaître sous l'impact de la concurrence du transport automobile. Les éleveurs vont s'orienter vers la recherche de modèles plus propices à la production de viande qu'au travail. Cette transition vers le transport mécanique aura aussi d'importantes conséquences sur la survie de certaines entreprises. En effet, l'immobilisation de fonds importants pour l'entretien des grandes écuries de commerce limite la capacité d'investissement des entreprises pour la transition vers l'automobile. Cela explique que les premières entreprises à permuter vers la traction hippomobile furent celles qui louaient leurs équipages à des entreprises spécialisées, comme la Compagnie Générale des Voitures.

Les grandes écuries industrielles et de commerce  vont progressivement disparaitre; rapidement dans les grandes agglomérations comme Paris (Le dernier omnibus de la CGO est retiré du service dés 1913), plus lentement en province. Certaines entreprises n'ont pas su s'adapter à cette transition vers l'automobile et ont fait faillite. Je n'ai pas trouvé d'informations sur les effets que cette transition à la traction mécanique dans ses activités auxiliaires a eu sur les difficultés financières de la Compagnie entrainant dés 1909 son intégration dans l'administration des chemins de fer. 

 

Texte:

Patrick Magnaudeix

 

Documentation:

M Megnin "Les grandes écuries" paru dans la vie au grand air de Février 1902.

 

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